L’ombre et la lumière sont au cœur de toute recherche artistique. Elles façonnent les volumes, guident le regard, suggèrent l’invisible autant qu’elles révèlent l’essentiel. Dans le champ de la gravure, ces deux forces trouvent une résonance singulière : le noir profond, la transparence du blanc du papier et entre les deux, toute une gamme de nuances qui donnent naissance à un univers sensible. C’est précisément dans ce dialogue subtil que s’inscrit le travail de Nicole Fraysse qui explore la gravure en taille-douce à travers deux techniques majeures : l’eau-forte et l’aquatinte.
L’eau-forte offre donne à l’artiste la possibilité de tracer des lignes incisives, nettes ou vibrantes où le métal conserve la mémoire du geste et de l’acide. C’est une écriture de lumière, dessinée dans la profondeur de la plaque, qui capture l’élan du trait et la rigueur du dessin. L’aquatinte, quant à elle, permet de créer des plages de tons, des voiles de gris ou denses noirceurs, presque veloutées. Elle donne au graveur la matière pour modeler les transitions, pour suggérer l’indicible et jouer sur les atmosphères.
Quand Nicole se tourne vers les eaux fortes sur des plaques de zinc, elle va travailler sur les différences de lumière en jouant, avec le vernis utilisé, sur les dégradés Pour l’artiste, c’est bien la technique qui, entre autre, va déterminer les contrastes, les lumières et les ombres.
Un exemple avec l’estampe datant de 2018, « Le Puy Mary » , la région a d’ailleurs vu naître l’artiste.
Estampe le Puy Mary - eau forte – 2018
Crédit photo : Nicole Fraysse
Après avoir dessiné avec une pointe sèche les contours des Monts du Cantal, c’est l’aquatinte qui vient révéler les zones d’ombre et de lumière. Sur cette estampe, la lumière apparaît sur le sommet des montagnes. Les vallées restent dans l’ombre en fonction du moment de la journée et de leur orientation. L’artiste aime particulièrement « saturer » d’encre ses gravures et même si elle réalise plusieurs tirages avec un essuyage différent, elle décide, à un moment donné si les vallées apparaîtront ou non. L’artiste confie que cette gravure a été offerte à ses parents. Son papa étant mal voyant, Nicole a souhaité lui permettre de reconnaître, malgré tout, ses montagnes dans son travail. Vient alors tout l’intérêt de l’essuyage : retrouver la lumière et jouer avec les contrastes
La lumière, les ombres choisies relèvent parfois de l’inconscient confie l’artiste. Les travaux préparatoires ne sont pas légion ; parfois elle vient annoter quelques indications afin de la guider après le premier tirage. Dans la gravure, une part de suspens et de surprise est belle et bien présente.
Mon père dans le chemin - eau forte et aquatinte sur zinc - 2022
Crédit photo : Nicole Fraysse
Rue de la centenaire - eau forte et aquatinte – 2022
Crédit photo : Nicole Fraysse
Aujourd’hui, Nicole travaille essentiellement avec le carton - matrice de ses nouvelles estampes. L’ombre et la lumière apparaissent davantage en transparence. Le carton est taillé au scalpel avec –toujours- ce geste brut, spontané, sans aucune réflexion de départ en allant davantage vers le non figuratif. La lumière vient de la transparence. Le matériau s’y prête si on le prépare en amont avec une couche de vernis qui va le protéger. Jouer avec les différents passages à la presse, les superpositions avec la même matrice et, un peu comme un vitrail, l’artiste saisit cette lumière qui, au départ, était peu imaginable. Peut-être que le carton a encore des choses à confier à Nicole. Ce matériau modeste et brut, multiple, cherche à être apprivoisé. Une fois la confiance établie, il se livre pleinement. Un peu comme les montagnards d’Auvergne...
Cailloux bleus - gravure sur carton – 2025
Crédit photo : Nicole Fraysse
Cailloux flottants-gravure sur carton- 2025
Crédit photo : Nicole Fraysse
L’association des deux techniques déploie un champ riche d’expressions : les lignes et les masses dialoguent, les pleins et les vides s’équilibrent, les contrastes révèlent des paysages intérieurs où l’œil se perd et se retrouve.
En donnant corps à ce cycle thématique « Ombre et lumière », le travail de Nicole Fraysse incarne cette tension féconde : entre la rigueur du dessin et la fluidité des valeurs, entre la profondeur obscure et la fulgurance lumineuse. Sa pratique nous rappelle que la gravure, loin d’être un simple procédé technique, est une véritable alchimie : celle de l’acier, du cuivre - ou du medium quel qu’il soit, de l’acide et de l’encre mais surtout celle de la sensibilité et du regard.
Article co-écrit avec l’artiste elle-même afin de la laisser s’exprimer dans sa démarche.
Lien vers la fiche artiste de Nicole Frayse : https://artistes62.fr/profile/6